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Archives du mois : octobre 2017

Etat maniaque : un consortium européen en une nuit

Publié par Docteur Foucaud Du Boisguéheneuc, 26 / 10 / 2017 / Imprimer cette page

Une femme de 70 ans présente des troubles de la mémoire depuis 3 ans avec oubli des faits récents. Depuis 2 mois, discours moins intelligible, parle fort, articule moins avec un débit rapide. Passe son temps devant son ordinateur depuis quelques semaines, multiplie les mots de passe pour verrouiller ses comptes. Brutalement apparaissent des troubles du comportement avec agitation psychomotrice et agressivité verbale. Le discours devient logorrhéique avec passage du coq à l’âne. Elle se met à écrire sans arrêt en majuscules. Envoie des SMS illisibles à ses amies, des sommes d’argent importantes à ses enfants. Demande à son voisin de dormir chez lui. Etat d’excitation maniaque avec idées délirantes à thème mégalomaniaque : « J’ai eu des idées géniales : j’ai pondu sept entreprises de pointe à la fois qui vont nous rapporter un paquet d’argent, sans compter mes livres. J’ai écrit plein plein de notes, précisément toutes les idées qui me venaient à l’esprit les unes après les autres. D’une idée en découlait une autre, c’était une véritable cascade, un enchaînement. J’ai noté tout ce qui pouvait découler des premières idées. J’ai passé une nuit à la Einstein. C’est comme si mon cerveau avait accouché d’un coup de mes idées. Donc je me suis retrouvée finalement face à un éventail d’entreprises et quand j’ai fait le compte ça faisait environ sept entreprises de pointe pour réformer les transports, l’enseignement, les moyens de communication, généraliser l’énergie propre ».

 

« Donc j’ai créé avec l’héritage que j’ai reçu, une petite entreprise d’audiovisuel et de sites internets. Alors mes petits projets à moi, c’est la publication de quatre ou cinq livres, ce sera un canular d’un nouveau concept littéraire qu’on appellera le « Con-Art », ça va faire une entrée d’argent. J’ai une cinquantaine de poèmes déjà prêts. Je peux faire très vite la biographie de ma belle-mère et de son frère, qui était champion de tennis en Roumanie, et de hockey sur glace. Ils sont hyper-connus. C’étaient des opposants aux communistes. Le tonton a été résistant avec Dubcek qui est un excellent ami. Et quand il est revenu aux Etats-Unis après la chute du mur de Berlin, il a été accueilli avec tous les honneurs officiels, la fanfare, le tapis rouge à l’aéroport, logé dans un palace, grosse réception, etc. J’ai eu des idées lumineuses sur la manière de sortir de l’ordinaire d’une entreprise. Nous avons la bagatelle de 150000 euros qui dorment dans les bureaux de la TVA. On créera une imprimerie, une maison d’édition, ensuite mon fils va vouloir mettre sur internet différentes choses dont j’ai déjà le dossier. A partir de la chambre de commerce et de la chambre des métiers, on peut avoir toutes les entreprises d’Europe, les sites relatifs à l’administration de chaque pays, ce sont des renseignements qui sont consultés par des millions de gens, donc ça fera une rentrée d’argent aussi ».

 

« Ensuite, dans le transport on va créer un petit système qui peut devenir un grand système, au niveau de toute la France et même de l’Europe. On peut faire ça pour des ONG, pour relier un dispensaire à des petits villages aux alentours. Il s’agit simplement d’un petit transport électrique sur rail avec des petits modules comme des petites voitures, il y aura des modules de différentes tailles selon le nombre de personnes, on prendra son module personnel, qui sera aussi sur roues donc avec moteur électrique, des batteries pour favoriser l’énergie verte. Je veux favoriser l’énergie verte parce que c’est l’avenir. Donc on créera un grand réseau d’énergies propres. Il y aura aussi l’énergie par les puits artésiens, notamment pour tous les bâtiments qu’on créera que ce soit les bâtiments d’entreprises ou des hôtels ou des lieux de vacances. Au besoin je complèterai par des éoliennes. Les gens se plaignent que les éoliennes ne sont pas esthétiques, moi je les trouve très esthétiques. C’est plus esthétique que la Tour Eiffel dont on avait dit tant de mal à l’époque ! Mon ex-mari, ça tombe bien, est designer. C’est un artiste, il a fait les Beaux-Arts. Donc il nous fera le design de tous les objets. Il rêvait d’être le Philip Starck de son époque. Eh bien je vais lui donner l’occasion de l’être. Il avait déjà créé une voiture, la Renault 5 s’en inspire énormément et la C3 s’inspire d’une voiture qu’il avait déjà conçue. Donc moi ce que je vais faire, c’est apporter tous ces modèles et réclamer (ça, ça va être un peu vache !), réclamer des droits de priorité par rapport à Renault et à Citroën. On fera des éoliennes beaucoup plus esthétiques que maintenant car elles seront cachées par des arbres. Ce sera un consortium à l’échelle européenne et nous aurons comme signe et sigle du consortium : « BAOBAB ». Alors autour des éoliennes, on va planter des baobabs, et des peupliers parce que ça pousse vite. Et alors on intercalera des arbres décoratifs : des ifs. Les ifs ont été le symbole des protestants, donc je vais prendre l’if comme symbole de protestation contre les vieux systèmes ».

 

« L’enseignement : D’abord le savoir sera divisé tout à fait autrement et ça pourra s’étendre à tout. D’abord il sera dynamique. Je ferai le scénario, c’est-à-dire un petit bouquin où sera expliqué le parcours de jeunes qui se déplacent à travers l’Europe. Par exemple, ils vont partir de Paris pour aller vers Vienne et puis après Budapest et puis après je ne sais où, il faudra que je regarde sur une carte. Alors comme j’ai un fils dans le roller, il fait du roller à haut niveau avec les meilleures championnes de France de Montpellier : pour vous dire elles sont sorties 5ème mondiales en Chine ! Ces filles n’ont peur de rien, elles prennent des pelles formidables et elles repartent comme si de rien n’était. Il faut que je les fasse connaître aux féministes parce que c’est le prototype de la femme qui fonce. Je n’ai pas fini. La transmission du savoir : d’abord à l’école. On créera une histoire avec un scénario puis on fera des vidéos. On créera un nouveau site du savoir scolaire. Ce sera un site scolaire destiné en premier lieu aux maternelles, au primaire et aux lycées. Après on s’occupera de l’université, pas pour les livres mais pour les divertissements et pour le matériel. C’est-à-dire que pour tous ces groupes on créera des feuilles de classeur préenregistrées. Par exemple pour votre discipline la neurologie : Neurologie, Pr untel, année untel, nom de l’étudiant et ainsi de suite. Dans une autre discipline, par exemple la cardiologie, ce sera dans une autre couleur et une autre graphie, comme ça le classement sera facile. Dans ma vie, j’ai été obligée d’être très organisée, j’étais prof de math ».

 

« Une autre entreprise qui en découle directement : on pourra se servir dans un premier temps d’un côté de l’ordinateur pour le texte, l’autre côté de la télé pour les images. Et puis on créera un grand écran où on rassemblera à la fois le texte et l’image. Donc il faudra faire appel à des informaticiens de pointe, donc ça ça fera une entreprise et une grosse entreprise. Donc ça va bouleverser le mode de la communication aussi. Il faudra un nouveau site pour la communication. Donc Internet aussi va être bouleversé. Il faudra de nouveaux appareils pour faire les vidéos, et ainsi de suite. Les journaux aussi vont se transformer n’est-ce pas. Ça fera une multitude de changements qui vont dépendre de nous. Donc ça fera des entreprises qui vont tourner, on ne pourra pas faire tout, nous aurons des royalties qui vont s’engranger dans nos caisses quoi. On pourra par exemple prendre des actions chez certains fabricants qui font partie de la société. J’ai un avocat fiscaliste que je connais bien. Il va pouvoir nous faire une constitution à l’échelle européenne parce qu’on aura des entreprises un petit peu partout quoi. Une au Cambodge et certainement une aux Emirats parce qu’on a des contacts dans les deux pays ».

 

 

« Alors je dois contacter par exemple le directeur des hôpitaux de Poitiers pour lui communiquer des informations : où il manque du personnel, je vais le féliciter pour ses infirmiers, aides-soignants et médecins et je vais mettre un petit bémol pour l’écologie parce qu’au niveau écologie on peut mieux faire. Et il faudra du matériel dans certains endroits, notamment aux urgences parce qu’il n’y a rien comme loisirs : pas une revue, pas de mots-croisés, il n’y a pas de jeu, ni aucune lecture, il n’y a pas de papier ni de crayon. Donc c’est le vide absolu. Je suis quand même restée dix heures toute seule à m’ennuyer comme un rat mort. Donc j’ai réfléchi, j’avais une feuille de papier et j’écrivais en tout petits caractères parce que je n’avais pas beaucoup de place. Dès que je serai rentrée, je contacte le maire, le préfet, qui me donnera les coordonnées de l’inspecteur général de la Vienne et ainsi de suite. D’autre part je vais prendre des contacts avec tous mes cousins. J’en ai en France et à de beaux postes. Ce sont des gens qui sont tous assis sur des matelas d’argent. Ce sont des intellectuels, des grosses-têtes. Donc s’ils le souhaitent, je les mettrai à la tête de « BAOBAB », mon consortium, ils ont les capacités pour ça. Je cherche des compétences et il suffit d’être compétent pour faire partie de BAOBAB. Je cherche notamment des cardiologues pour aller au Cambodge. Je serais un peu Mme L’Oréal. Je me suis rendue compte que j’en avais l’étoffe, le caractère. Je rigole à chaque moment de ce que j’invente ».

Lésions insulaires bilatérales et insensibilité à la douleur

Publié par Docteur Foucaud Du Boisguéheneuc, 4 / 10 / 2017 / Imprimer cette page

Une patiente de 62 ans est opérée d’une tumeur pelvienne avec carcinose péritonéale. Au réveil, elle présente un tableau de locked-in syndrome avec tétraplégie, paralysie faciale bilatérale préservant les mouvements oculaires. La récupération est progressive avec des hallucinations (eidolies). Sa sœur : « Elle disait qu’elle voyait des poissons voler, qu’on était dans des nuages blancs, elle entendait des mouches, elle voyait la sonnette bouger toute seule, la télévision qui décolle, elle voyait des cordes. Tu disais qu’on t’avait vidé le ventre, que tu étais au cimetière, et tu voyais tout le monde qui pleurait autour de ta tombe ».

 

Antécédent d’hospitalisation en psychiatrie à l’âge de 47 ans pour un épisode psychotique. Sa sœur : « Tu disais que tu avais une autre personne en toi. Tu disais qu’il y avait un esprit dans la maison, que tu étais envoûtée. Tu voyais les membres de la famille mourir les uns après les autres. On a dit que c’était une dépression. Elle avait des couteaux qu’elle promenait partout avec elle parce qu’elle avait peur qu’on la tue. Je me rappelle qu’elle avait un regard vraiment méchant, ce n’était plus notre sœur. Quand on était tous à la table, on avait l’impression qu’elle allait sauter sur quelqu’un ».

 

« Elle n’a jamais mal. Quand elle a fait son occlusion, c’est la première fois que je l’ai vue souffrir. Elle ne prend jamais d’antalgique. Les infirmières ont toujours été étonnées, elle ne se plaint jamais ! Elle ne sait pas ce que c’est qu’avoir mal. On la pique, on lui a fait un talcage au poumon, on lui a enlevé sa poche, ben non elle n’a pas mal ! Tu te brules et tu dis que tu ne sens rien. Elle a eu des brûlures infectées, je lui ai dit : Tu dois avoir mal, ce n’est pas possible ! Elle me dit : Non, je n’ai pas mal, je ne sens rien. Ça m’a toujours interpelé parce que moi-même je ne crains pas le mal. J’ai été opérée, je sais très bien ce que c’est, mais la douleur des fois, il y a des limites : même avec de la morphine, c’est douloureux quoi ! »

 

Le médecin : « – Quand votre sœur a mal, vous ressentez sa douleur ?
La patiente : – Non je ne le sens pas.
Sa sœur : – Quand j’ai des douleurs de polyarthrite, elle le sait parce que mes mouvements lui font voir que j’ai mal, mais je ne pense pas qu’elle le…
– A quoi vous savez qu’elle ne le ressent pas ?
– A son faciès et à sa façon de me parler. Tu ne comprends pas ma douleur à moi.
– Non.
– Tandis que vous ?
– Moi j’ai l’impression de ressentir toutes les siennes. Je me sens mal dans mon corps parce que je le vis mal.
– Elle est touchée quand les gens souffrent ?
– Ah oui, elle a de l’empathie. Si quelqu’un ne va pas bien moralement, elle le ressent, mais elle ne ressent pas la douleur physique. »

 

IRM et TEP : lésions bilatérales du cortex insulaire

 

L’IRM fait découvrir fortuitement des lésions insulaires bilatérales probablement anciennes qui peuvent sans doute rendre compte du déficit transitoire des quatre membres et de la face observé en post-opératoire compte-tenu de l’atteinte du cortex rolandique. La nature des lésions ne peut pas être prouvée mais on ne peut exclure des séquelles d’une encéphalite limbique passée inaperçue d’autant que l’antécédent d’épisode psychotique isolé à l’âge de 47 ans est atypique. Il reste ce tableau d’insensibilité à la douleur en cours d’exploration pour lequel se pose la question de la corrélation avec les lésions insulaires. Il s’agit d’une insensibilité à la douleur physique associée à une incapacité à comprendre la douleur d’autrui sans perte d’empathie pour la souffrance morale.