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Délire de reduplication de sa femme

Publié par Docteur Foucaud Du Boisguéheneuc, 26 / 11 / 2014 / Imprimer cette page
Auteurs: F. du Boisguéheneuc, A. Julian.

 

Enfants siamois unis par l’abdomen (ischiopages), Schenck Johann Goerg, 1609

Un patient de 67 ans suivi pour une atrophie corticale postérieure est hospitalisé pour un épisode hallucinatoire avec agressivité à l’égard des proches et menaces suicidaires. L’examen met en évidence un syndrome de Balint et une apraxie de l’habillage.

Le patient : « – Je me perds dans la maison.

Sa femme : – Il prend de plus en plus souvent la direction opposée.

– Je ne vois pas ce que je veux voir.

– Pour attraper un objet, il va aller le chercher mais pas au bon endroit. Il me parle mais il me regarde de côté. Si je suis derrière lui, il me répond en me tournant le dos. Alors je lui dis : Dis-donc, je suis derrière toi, regarde-moi. »

Pour attraper la main de l’examinateur situé en face de lui, il la cherche dans son dos et demande : « – Mais vous êtes derrière ou quoi ? » Devant le miroir, l’examinateur étant derrière lui, il cherche sa main devant, bute sur le miroir et demande à enlever « la vitre ».

 

 

L’évolution est marquée par un délire d’identité nécessitant l’hospitalisation :

Le patient : « – J’ai découvert ma femme nue. Elles étaient trois : ma femme et deux autres. A sept heures du matin, je me lève et je vois trois personnes à poil. Ma femme je l’ai reconnue, les deux autres je ne les connaissais pas. Elles ont disparu quand elles se sont rendues compte que j’étais là. Est-ce moi qui les ai gênées ? Je ne sais pas. On m’a dit que c’était une hallucination, moi je ne crois pas. Docteur, il y a quarante deux ans que je suis marié, j’ai toujours aimé ma femme. D’un seul coup, elle est devenue une putain, une femme ayant beaucoup d’amies…Vous savez, ce n’est pas tous les matins que je vois des femmes qui se promènent nues dans la maison. Je sais quand même ce que je dis, et c’est arrivé deux fois.

 

Sa femme : – Il a dit que j’étais une gouine. Voilà exactement les termes.

– Maintenant je la laisse tranquille, je ne veux même plus en entendre parler.

– Des fois, il me dit vous. Je lui dis : Attends, tu me vouvoies maintenant ? ‘Euh non, tu.’

Le médecin : – Mais quand il dit vous, c’est parce qu’il y a plusieurs personnes ou parce qu’il ne vous reconnaît pas ?

Le patient : – Ah ben non ! Quand je dis ‘vous’ c’est qu’il y a deux personnes dans la pièce allons ! Après quarante deux ans de mariage !

Son épouse : – Des fois quand il n’est pas content, il dit : Monique m’a dit des choses. Je lui dis : Mais tu sais qui je suis ? Monique, c’est moi. Parfois, il demande à sa fille Corinne : Où est Corinne ?

Le médecin : – Combien sommes-nous dans la pièce ?

Le patient : – Ben, quatre.

– Montrez-les moi.

– Ma femme, vous et moi, ça fait trois. On n’est que trois ? Il n’y avait pas un… (cherche autour de lui). Non, on n’est que trois alors.

– C’est qui la quatrième personne ? (Regarde du côté de sa femme puis vers moi).

– Ben si, avec vous ça fait quatre.

– Alors montrez-moi chaque personne.

– Ben vous, ma femme et moi, et c’est tout. On n’est que trois alors. »

 

IRM-TEP: atrophie et hypométabolisme temporo-pariétal prédominant à droite

IRM-TEP: atrophie et hypométabolisme temporo-pariétal prédominant à droite

Ce patient présente un syndrome de Balint dans le cadre d’une atrophie corticale postérieure. Toutefois la définition négative du syndrome (a-taxie visuo-motrice, a-praxie du regard, a-simultagnosie) ne rend pas compte du comportement du patient qui ne se contente pas de mal situer la cible, il la localise en un point déterminé de l’espace : il cherche l’objet au-delà de son emplacement, enfile ses vêtements à l’envers (derrière-devant), répond à son interlocuteur en lui tournant le dos. Il va chercher sa main dans son dos quand l’examinateur lui fait face et dans le miroir quand il est derrière lui (agnosie du miroir). Enfin, il vouvoie sa femme et compte deux personnes au lieu d’une (syndrome de Capgras ou paramnésie de reduplication).

 

 

Figure 1 : Enfants siamois unis par l’abdomen. Schenck Johann Georg, Monstrorum historia memorabilis, monstrosa humanorum partuum miracula. Francfort : M. Becker, 1609. http://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/image?21273

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