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Lésions insulaires bilatérales et insensibilité à la douleur

Publié par Docteur Foucaud Du Boisguéheneuc, 4 / 10 / 2017 / Imprimer cette page

Une patiente de 62 ans est opérée d’une tumeur pelvienne avec carcinose péritonéale. Au réveil, elle présente un tableau de locked-in syndrome avec tétraplégie, paralysie faciale bilatérale préservant les mouvements oculaires. La récupération est progressive avec des hallucinations (eidolies). Sa sœur : « Elle disait qu’elle voyait des poissons voler, qu’on était dans des nuages blancs, elle entendait des mouches, elle voyait la sonnette bouger toute seule, la télévision qui décolle, elle voyait des cordes. Tu disais qu’on t’avait vidé le ventre, que tu étais au cimetière, et tu voyais tout le monde qui pleurait autour de ta tombe ».

 

Antécédent d’hospitalisation en psychiatrie à l’âge de 47 ans pour un épisode psychotique. Sa sœur : « Tu disais que tu avais une autre personne en toi. Tu disais qu’il y avait un esprit dans la maison, que tu étais envoûtée. Tu voyais les membres de la famille mourir les uns après les autres. On a dit que c’était une dépression. Elle avait des couteaux qu’elle promenait partout avec elle parce qu’elle avait peur qu’on la tue. Je me rappelle qu’elle avait un regard vraiment méchant, ce n’était plus notre sœur. Quand on était tous à la table, on avait l’impression qu’elle allait sauter sur quelqu’un ».

 

« Elle n’a jamais mal. Quand elle a fait son occlusion, c’est la première fois que je l’ai vue souffrir. Elle ne prend jamais d’antalgique. Les infirmières ont toujours été étonnées, elle ne se plaint jamais ! Elle ne sait pas ce que c’est qu’avoir mal. On la pique, on lui a fait un talcage au poumon, on lui a enlevé sa poche, ben non elle n’a pas mal ! Tu te brules et tu dis que tu ne sens rien. Elle a eu des brûlures infectées, je lui ai dit : Tu dois avoir mal, ce n’est pas possible ! Elle me dit : Non, je n’ai pas mal, je ne sens rien. Ça m’a toujours interpelé parce que moi-même je ne crains pas le mal. J’ai été opérée, je sais très bien ce que c’est, mais la douleur des fois, il y a des limites : même avec de la morphine, c’est douloureux quoi ! »

 

Le médecin : « – Quand votre sœur a mal, vous ressentez sa douleur ?
La patiente : – Non je ne le sens pas.
Sa sœur : – Quand j’ai des douleurs de polyarthrite, elle le sait parce que mes mouvements lui font voir que j’ai mal, mais je ne pense pas qu’elle le…
– A quoi vous savez qu’elle ne le ressent pas ?
– A son faciès et à sa façon de me parler. Tu ne comprends pas ma douleur à moi.
– Non.
– Tandis que vous ?
– Moi j’ai l’impression de ressentir toutes les siennes. Je me sens mal dans mon corps parce que je le vis mal.
– Elle est touchée quand les gens souffrent ?
– Ah oui, elle a de l’empathie. Si quelqu’un ne va pas bien moralement, elle le ressent, mais elle ne ressent pas la douleur physique. »

 

IRM et TEP : lésions bilatérales du cortex insulaire

 

L’IRM fait découvrir fortuitement des lésions insulaires bilatérales probablement anciennes qui peuvent sans doute rendre compte du déficit transitoire des quatre membres et de la face observé en post-opératoire compte-tenu de l’atteinte du cortex rolandique. La nature des lésions ne peut pas être prouvée mais on ne peut exclure des séquelles d’une encéphalite limbique passée inaperçue d’autant que l’antécédent d’épisode psychotique isolé à l’âge de 47 ans est atypique. Il reste ce tableau d’insensibilité à la douleur en cours d’exploration pour lequel se pose la question de la corrélation avec les lésions insulaires. Il s’agit d’une insensibilité à la douleur physique associée à une incapacité à comprendre la douleur d’autrui sans perte d’empathie pour la souffrance morale.

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